dimanche 19 mai 2013

Fête des voisins

 


L'association Ressons-le-Long Environnement participera à la fête des voisins le 31 mai prochain.

dimanche 12 mai 2013

Vous avez dit « pédagogique ? »








Il ne l’avait pas encore aperçu mais il l’entendait au fond du jardin.

 « Souviens-toi, fiston, de ce que mon père disait : les haricots doivent voir s'éloigner le jardinier. C’est mon père qui l’affirmait. Alors, ne les recouvre que très peu ! »

Toni était là, derrière une rangée de groseilliers déjà bien en feuilles, courbé sur le sillon que Daniele refermait en respectant la consigne transmise de génération en génération....

« Je vois », dit Nanar, « qu’on transmet ici le savoir des anciens ! »

« Ben oui », acquiesça Toni en se rengorgeant, « c’est comme qui dirait un jardin ... pédagogique ! »

« Ma foi, mon petit Toni, j’espère bien que non ! »

Dans ce genre de situation, Toni préfère toujours attendre ...

Maria dont le professeur Nanar n’avait pas remarqué jusque là la présence se mit à rire en se relevant, la rasette à la main.

« Rassurez-vous, professeur ! Il ne pense pas ce qu’il dit : ben, non, il n’a pas l’intention de planter des tomates dans des caisses. Nos radis ne pousseront pas à la hauteur des yeux. On n’aura pas un cerisier en pot. Nous, on fait du jardin, pas séance de cinéma ... »

« Eh bien », dit Nanar, « je ne pensais pas trouver autant de chaleur et de bon sens. A la campagne, on cultive son jardin. Le jardin pédagogique, c’est trois caisses misérables avec un pied de tomate anémique pour faire oublier les hectares de terres arables confisquées pour bâtir la cité radieuse en béton de demain. »


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Question de bac : reconnaître un pied de pomme de terre d’un pied de tomate (les étiquettes devront être ôtées).


mercredi 1 mai 2013

Déballage













Il avait plu toute la nuit. Petite pluie fine et froide. Depuis plusieurs jours. Toni avait sa tête des mauvais jours en regardant par la fenêtre sa mobylette ruisselante sous un pommier qui ne lui offrait guère de protection en ce printemps tardif.


Le printemps verdissant et rose,

Comme une nymphe fraîche éclose,

Qui, souriante, sort de l'eau.1



Mais Toni avait sa tête des mauvais jours ; pas d’humeur bucolique ...

« Je vais encore arriver au boulot le cul trempé ... Si encore elle veut bien démarrer », bougonna-t-il en balançant la serviette sur la paillasse avec humeur ...

« C’est un peu ta faute », dit Maria, imprudemment. « Si tu avais fait un peu de rangement ... »

Toni perdit tout à fait ce qui lui restait de patience.

- Comment ça, du rangement ? Tu as envahi le garage du sous-sol au plafond avec tes bébelles. Une vache n’y retrouverait pas son veau.

Et de citer :

« Un frigidaire, un atomixer, et du Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, et des tas de couverts, et des pelles à gâteaux. Une tourniquette pour faire la vinaigrette, un bel aérateur pour bouffer les odeurs ; des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres...2 »

Toni s’arrêta, en panne ...

« Je cite de mémoire », s’excusa-t-il, les yeux dans le vague.

- C’est ça, referme ton catalogue. Si tu le prends ainsi, il te reste deux solutions : la poubelle ... et les « « monstres » !

- Pauvre innocente, tu devrais savoir que le ramassage des objets encombrants, ici, ça n’a plus cours depuis belle lurette. C’est ça le progrès dynamique !

- Alors, la déchetterie, mon cher petit mari tout mignon. La déchetterie ! Voilà la solution ...

« Génial ! », s’étrangla Toni. « Je fourre la vieille télé dans une sacoche, la poussette du p’tit dans l’autre ... Je peux faire plusieurs voyages, si tout ne tient pas au premier ! »

La discussion aurait pu prendre à ce moment une bien vilaine tournure mais Maria avait encore une autre idée ...



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Toni s’en fut en discuter avec son ami.

« A votre avis , Prof, c’est possible une vente de garage, un déballage comme on dit, dans ma cour ? »

- Mon petit Toni, la loi est la même pour tous les citoyens : une simple déclaration en mairie suffit. Tu n’as pas l’intention de vendre des armes de guerre, des produits stupéfiants ? Ta vieille poussette, ton lampadaire rococo, ta collection d’étiquettes de camembert, c’est pas des objets volés, au moins ? Bon, ben, une simple déclaration ...

Mais Toni restait incrédule. « C’est aussi simple que ça », répétait-il, sans conviction, le front plissé ...

Le professeur Nanar jugea le moment favorable pour le taquiner un peu. Ce n’était sans doute pas sa meilleure idée du jour, mais il avait envie de se pencher sur son passé. Et ça, quand ça vous démange, c’est comme un clou dans une godasse.

- Écoute, mon petit Toni, des fois, la situasse peut être un peu compliquée. Ça arrive. Je me souviens, c’était en 1943. Ma mère avait envie de réunir ce qui lui restait de famille pour fêter les noces d’or du Papi.

- Et ?

- Ben, elle demande l’autorisation à l’autorité du moment ...

- Alors ?

- Ben, alors, on la lui a refusée. Avec une foule « d’attendus »...

- Des « attendus ? »

- Mouais, comme ceux-là :

·         Attendu qu’un jardin familial peut-être assimilé à un ERP (*) ...

·         Attendu que l’arbre placé au centre du jardin peut se révéler dangereux en cas de tornade ...

·         Attendu que sous l’effet des rayons du soleil estival le gazon pourrait être la cause d’un incendie meurtrier ...

·         Attendu qu’en cas d’orage subit, la foudre tombant sur le cerisier, la panique pourrait faire périr une grande partie de l’assistance foulée au pied par les convives affolés ...

·         Attendu que la demanderesse ne semble posséder ni brancard de secours, ni borne à incendie, ni même aire prévue pour héliporter les blessés potentiels ...

... Conscient de notre devoir de protection de votre sécurité, interdisons toute  réunion et veillerons au respect de cette injonction avec l’aide des forces chargées du respect de notre autorité ...

Toni avait un peu de mal à suivre ; le professeur Nanar l’avait si souvent piégé avec du second, voire du troisième degré, une autre fois avec du 12 degrés 5 ... qu’il se demandait s’il n’était pas encore une fois en train de le chambrer...

- Mais c’était en 43, mon petit Toni ! Ne balise pas. En ce temps-là, c’était le règne de l’arbitraire ; on pouvait prendre ; on réquisitionnait, on expropriait, on faisait main basse sur vos biens, fruits de votre sueur et de celle de vos aïeux ; on pouvait interdire ; on envahissait ; on bétonnait beaucoup ; l’ausweis remplaçait la carte d’identité3, le diktat fleurissait comme les fleurs de la luzerne et le collaborateur vivait des jours fastes. On attendait avec impatience le débarquement. Fallait encore tenir un an... Ce ne sont que de mauvais souvenirs ; seuls, les vieux se souviennent ...

- Mon petit Toni, nous sommes à nouveau en démocratie. Je te le répète : une simple déclaration en mairie ! Les citoyens sont libres et égaux devant la loi ...

- A moins que ...

- A moins que ?

- Ben, j’y pense : t’aurais pas pris une carte à l’ARLLE, des fois ? C’est qu’il y a des citoyens plus égaux que d’autres et des citoyens moins libres que d’autres !

- A Ressons ?

- Non, mon gars, pas à Ressons, c’est sûr.

- Où alors ?

- Juste au Monomotapa ! (**)
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1. Gérard de Nerval, Odelettes - Avril

2. NDLR : les bébelles citées par Toni ne sont que des souvenirs d’un trompinettiste que nous vous laissons découvrir ... Maria n’a jamais possédé de pistolet à gaufres, ni de tourniquette pour la vinaigrette. Elle se sert d’une fourchette comme vous et moi. Enfin, vous ...

(*) - Le professeur Nanar se met maintenant à parler par abréviations !!!
ERP : Établissement recevant du public ( magasin de station-service, centre commercial, cinéma, discothèque, ...)  

3. Exercice : sur un cahier propre, recopiez et traduisez cette mise en garde d’époque troublée : « Die Erlaubnis zum Parken auf solchen Plätzen wird durch einen besonderen Ausweis erteilt, der von den Behörden ausgestellt wird. »

(**) - C'est dans ce pays exotique que vivoient les deux Amis de la fable de La Fontaine.