dimanche 26 mai 2013
dimanche 19 mai 2013
dimanche 12 mai 2013
Vous avez dit « pédagogique ? »
Il ne l’avait pas encore aperçu mais il l’entendait au fond du jardin.
« Souviens-toi, fiston, de ce que mon père
disait : les haricots doivent voir s'éloigner le jardinier. C’est mon père qui
l’affirmait. Alors, ne les recouvre que très peu ! »
Toni était
là, derrière une rangée de groseilliers déjà bien en feuilles, courbé sur le
sillon que Daniele refermait en respectant la consigne transmise de génération
en génération....
« Je vois », dit
Nanar, « qu’on transmet ici le savoir des anciens ! »
« Ben oui », acquiesça Toni en se rengorgeant, « c’est comme qui dirait un jardin ... pédagogique ! »
« Ma foi, mon petit Toni, j’espère
bien que non ! »
Dans ce
genre de situation, Toni préfère toujours attendre ...
Maria dont le
professeur Nanar n’avait pas remarqué jusque là la présence se mit à rire en se
relevant, la rasette à la main.
« Rassurez-vous, professeur ! Il ne pense pas ce qu’il dit :
ben, non, il n’a pas l’intention de planter des tomates dans des caisses. Nos
radis ne pousseront pas à la hauteur des yeux. On n’aura pas un cerisier en
pot. Nous, on fait du jardin, pas séance de cinéma ... »
« Eh bien », dit Nanar, « je ne
pensais pas trouver autant de chaleur et de bon sens. A la campagne, on cultive
son jardin. Le jardin pédagogique, c’est trois caisses misérables avec un pied
de tomate anémique pour faire oublier les hectares de terres arables
confisquées pour bâtir la cité radieuse en béton de demain. »
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Question de bac : reconnaître un pied de pomme de
terre d’un pied de tomate (les étiquettes devront être ôtées).
mercredi 1 mai 2013
Déballage
Il avait plu toute la nuit. Petite pluie fine et froide. Depuis plusieurs jours. Toni avait sa tête des mauvais jours en regardant par la fenêtre sa mobylette ruisselante sous un pommier qui ne lui offrait guère de protection en ce printemps tardif.
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose,
Qui, souriante, sort de l'eau.1
Mais Toni avait sa tête des mauvais jours ; pas d’humeur bucolique
...
« Je vais encore arriver au boulot le cul trempé ... Si encore elle veut
bien démarrer », bougonna-t-il en balançant la serviette sur la
paillasse avec humeur ...
« C’est un peu ta faute », dit Maria, imprudemment. « Si tu avais fait un peu de rangement ... »
Toni perdit tout à fait ce qui lui restait de patience.
- Comment
ça, du rangement ? Tu as envahi le garage du sous-sol au plafond avec tes
bébelles. Une vache n’y retrouverait pas son veau.
Et de citer :
« Un frigidaire, un atomixer,
et du Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, et des tas de couverts,
et des pelles à gâteaux. Une tourniquette pour faire la vinaigrette, un bel
aérateur pour bouffer les odeurs ; des draps qui chauffent, un pistolet à
gaufres...2 »
Toni s’arrêta, en panne ...
« Je cite de mémoire », s’excusa-t-il, les yeux dans le vague.
- C’est ça, referme ton catalogue. Si tu le prends ainsi, il te reste
deux solutions : la poubelle ... et les « « monstres » !
- Pauvre innocente, tu devrais savoir que le ramassage des objets
encombrants, ici, ça n’a plus cours depuis belle lurette. C’est ça le progrès dynamique !
- Alors, la déchetterie, mon cher petit mari tout mignon. La
déchetterie ! Voilà la solution ...
« Génial ! », s’étrangla Toni. « Je fourre la vieille télé dans une sacoche, la poussette du p’tit dans
l’autre ... Je peux faire plusieurs voyages, si tout ne tient pas au
premier ! »
La discussion aurait pu prendre à ce moment une bien vilaine tournure
mais Maria avait encore une autre idée ...
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Toni s’en fut en discuter avec son ami.
« A votre avis , Prof, c’est possible une vente de garage, un
déballage comme on dit, dans ma cour ? »
- Mon petit Toni, la loi est la même pour tous les citoyens : une
simple déclaration en mairie suffit. Tu n’as pas l’intention de vendre des
armes de guerre, des produits stupéfiants ? Ta vieille poussette, ton
lampadaire rococo, ta collection d’étiquettes de camembert, c’est pas des
objets volés, au moins ? Bon, ben, une simple déclaration ...
Mais Toni restait incrédule. « C’est
aussi simple que ça », répétait-il, sans conviction, le front plissé
...
Le professeur Nanar jugea le moment favorable pour le taquiner un peu. Ce
n’était sans doute pas sa meilleure idée du jour, mais il avait envie de se
pencher sur son passé. Et ça, quand ça vous démange, c’est comme un clou dans
une godasse.
- Écoute, mon petit Toni, des fois, la situasse peut être un peu
compliquée. Ça arrive. Je me souviens, c’était en 1943. Ma mère avait envie de
réunir ce qui lui restait de famille pour fêter les noces d’or du Papi.
- Et ?
- Ben, elle demande l’autorisation à l’autorité du moment ...
- Alors ?
- Ben, alors, on la lui a refusée. Avec une foule
« d’attendus »...
- Des « attendus ? »
- Mouais, comme ceux-là :
·
Attendu
qu’un jardin familial peut-être assimilé à un ERP (*) ...
·
Attendu
que l’arbre placé au centre du jardin peut se révéler dangereux en cas de
tornade ...
·
Attendu
que sous l’effet des rayons du soleil estival le gazon pourrait être la cause
d’un incendie meurtrier ...
·
Attendu
qu’en cas d’orage subit, la foudre tombant sur le cerisier, la panique pourrait
faire périr une grande partie de l’assistance foulée au pied par les convives
affolés ...
·
Attendu
que la demanderesse ne semble posséder ni brancard de secours, ni borne à
incendie, ni même aire prévue pour héliporter les blessés potentiels ...
... Conscient de notre devoir de protection de votre sécurité,
interdisons toute réunion et veillerons
au respect de cette injonction avec l’aide des forces chargées du respect de
notre autorité ...
Toni avait un peu de mal à suivre ; le professeur Nanar l’avait si souvent piégé avec du second, voire du
troisième degré, une autre fois avec du 12 degrés 5 ... qu’il se demandait s’il
n’était pas encore une fois en train de le chambrer...
- Mais c’était en 43, mon petit
Toni ! Ne balise pas. En ce temps-là, c’était le règne de
l’arbitraire ; on pouvait prendre ; on réquisitionnait, on expropriait, on faisait main basse sur vos biens, fruits de votre sueur et de celle de vos aïeux ; on pouvait interdire ; on
envahissait ; on bétonnait beaucoup ; l’ausweis remplaçait la carte
d’identité3, le diktat fleurissait comme les fleurs de la luzerne et le
collaborateur vivait des jours fastes. On attendait avec impatience le
débarquement. Fallait encore tenir un an... Ce ne sont que de mauvais
souvenirs ; seuls, les vieux se souviennent ...
- Mon petit Toni, nous sommes à
nouveau en démocratie. Je te le répète : une simple déclaration en
mairie ! Les citoyens sont libres et égaux devant la loi ...
- A moins que ...
- A moins que ?
- Ben, j’y pense : t’aurais pas pris une carte à l’ARLLE, des
fois ? C’est qu’il y a des citoyens plus égaux que d’autres et des
citoyens moins libres que d’autres !
- A Ressons ?
- Non, mon gars, pas à Ressons, c’est sûr.
- Où alors ?
- Juste au Monomotapa ! (**)
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1. Gérard de Nerval, Odelettes - Avril
2. NDLR : les bébelles
citées par Toni ne sont que des souvenirs d’un trompinettiste que nous vous
laissons découvrir ... Maria n’a jamais possédé de pistolet à gaufres, ni de
tourniquette pour la vinaigrette. Elle se sert d’une fourchette comme vous et
moi. Enfin, vous ...
(*) - Le professeur Nanar se met maintenant à parler par abréviations !!!
ERP : Établissement recevant du public ( magasin de station-service, centre commercial, cinéma, discothèque, ...)
3. Exercice : sur un cahier propre, recopiez et traduisez cette mise en garde d’époque troublée : « Die Erlaubnis zum Parken auf solchen Plätzen wird durch einen besonderen Ausweis erteilt, der von den Behörden ausgestellt wird. »
(**) - C'est dans ce pays exotique que vivoient les deux Amis de la fable de La Fontaine.
ERP : Établissement recevant du public ( magasin de station-service, centre commercial, cinéma, discothèque, ...)
3. Exercice : sur un cahier propre, recopiez et traduisez cette mise en garde d’époque troublée : « Die Erlaubnis zum Parken auf solchen Plätzen wird durch einen besonderen Ausweis erteilt, der von den Behörden ausgestellt wird. »
(**) - C'est dans ce pays exotique que vivoient les deux Amis de la fable de La Fontaine.
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