dimanche 21 juillet 2013

L’Échevin offensé









L’un des fidèles visiteurs de ce blog nous a déniché et transmis ce texte ancien dont l’auteur est inconnu et la période de rédaction peu précise, mais qui colle si bien aux comportements actuels de certains maires, tant de villes importantes que de petits villages.

Nous avons retranscrit ce texte dans une police de caractères plus lisible que la typographie gutenbergienne originale.


Il en fut si fort courroucé
Et tant en fureur offensé,
Si fort à se venger impatient
Que de Morphée1 impuissant
Il ne put trouver le secours.


Sans plus attendre, notre échevin2
Au petit matin
Chez le prévôt3 bien surpris
Se rendit
Pour demander secours
Et pendre sans détours
Ce pelé, ce galeux, ce manant
Aux propos infâmants.


N’ayant pas eu favorable
L’oreille de la police,
Chez le bailli4 se glisse
Pour demander justice
Et châtier le misérable.


Le bailli, homme de sens rassis
Autant que gourmet,
A sa table assis,
Prenait son déjeuner.
Il parut accorder peu de poids
A l’échevin plein d’émoi.


Voyons, dit-il, si nous avons
Sur ceci même opinion ;
Savoir comment en ton langage
Tu appelleras sans barguignage5
Ce mets délectable
Sur ma table ...


Si j’en juge par la forme, la couleur,
Et sans aucun doute l’odeur,
J’oserai le déclarer sans grande malice
Saucisse !


Je te vois fort clairvoyant.
En feras-tu pareillement
Dans l’examen du mot « tyran »
Qui blessa ton tympan.
Si tu répugnes à l’entendre
Efforce-toi de ne le point mériter.


Onques ne vit saucisse prétendre
Avoir aujourd’hui comme hier
De fautive manière
Mal avoir été
Etiquetée.

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1 – Divinité ayant pour vocation d’endormir les mortels.
2 - Magistrat communal.
3 – Juge subalterne.
4 – Représentant de l’autorité du Roi.
5 – Hésitation.

5 commentaires:

  1. Voici un texte fort parlant. Bravo au transcripteur.

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  2. Le grand amateur de citations appréciera sans réserve, j'en suis sûr, l'extrait ci-dessous attribué à Platon et que m'a inspiré l'évocation du mot "tyran" :

    " ... Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus, au-dessus d’eux, l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, Le début de la tyrannie. ..."


    La République, VIII, 562b-563e

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    1. Le tyran abuse de son pouvoir au mépris des lois qu'il utilise selon sa propre interprétation, soit en la bafouant pour lui-même et ses courtisans, soit en la détournant pour persécuter ceux qu'il considère comme ennemis.
      J'en connais un, que je ne nommerai pas ici afin éviter un quelconque risque de diffamation, qui a en guise d'épée de Damoclès une prise illégale d'intérêts au dessus de la tête.

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    2. Excellente référence, on la retrouvera dans son contexte ICI, interprétée par un amateur éclairé... qui évoque, et c'est intéressant, la "Timocratie" (gouvernement de ceux qui cherchent les honneurs).
      Après ça que ceux qui se sentent morveux se mouchent.
      Rappelons qu'à l'origine la tyrannie est une prise illégale du pouvoir, contrairement à la dictature qui passe par les circuits institutionnels, même si dans les faits les 2 se rejoignent.
      Or c'est bien le souci en ce qui vous concerne le discours étant "on a été élus fermez la".
      C'est donc plus subtil, car tout ce que l'on peut opposer c'est que l'action politique locale ne correspond pas à la profession de foi de candidature. Et ça, en gros, ça s'appelle Putsch, coup d’État, et j'ai pas le terme équivalent pour une commune.

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