On est dimanche. Il pleut. Il est bientôt midi.
« Sur la table
de chêne avec la nappe neuve aux plis étincelants et dans l’odeur des
fruits choisis »1,
Maria inclinée sur son cahier consigne jour après jour, ses dépenses.
Les dépenses, ça s’additionne mais le total amène inexorablement
une soustraction...
« Maria,
laisse-là ton ouvrage ! » dit Toni qui apparaît visiblement courbatu
après une longue semaine difficile. « Pourquoi
tant de soucis et d’angoisses pour un budget de ménage ?
Laisse-là ton
cahier et écoute la dernière ! ... »
Maria laisse tomber son crayon : elle connaît son
Toni ; il va faire durer le plaisir, multiplier les détails, singer des attitudes,
se complaire dans des détours agaçants...
Verra-t-elle bientôt où il veut en venir ?
« Bref ! »
dit Toni, « le copain, il me dit
comme ça, qu’il a de sérieux problèmes de trésorerie ; même qu’il a bouffé
les économies de sa femme pour changer les meubles, qu’il a emprunté à son père
pour déplacer sa piscine, à sa sœur pour ... je ne sais plus quoi ; il m’a
embrouillé la tête.
Du coup, qu’il me
dit, je vois plus que toi pour me dépanner! »
« Et alors ? »
dit Maria visiblement inquiète.
« Ben, c’est
pourtant lumineux », dit Toni ; « je lui ai répondu : t’as plus qu’à faire un emprunt à la banque,
et pis c’est tout ! Les banques, c’est fait pour ça, non ? »
Maria reprit son crayon avec un mélange de soulagement et
de consternation...
Cette histoire ne vous rappelle rien ?
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1 – Emprunt non remboursable à Albert SAMAIN – Le repas préparé