vendredi 8 juin 2012

Les entretiens du professeur Nanar (13)










- Pas bavard, Monsieur le professeur, ce soir ! dit Toni.



La mine sombre, Nanar ne semblait pas bien disposé à tenir une conversation.

- Laisse tomber, Toni ! C’est juste un problème avec ma 4 L.

- Encore la suspension hydraulique ? Le pont arrière ? La clim’ ?

Les blagues de Toni n’avaient pas aujourd’hui le pouvoir de faire sourire son ami qui consentit cependant à justifier son humeur morose :
- Devait être prête la semaine dernière... Remis à plus tard... Congé du personnel à ce qu’on m’a dit. Ça tombe mal.

- Je peux vous prêter ma mob si des fois ...

Averti par le regard peu amène du professeur Nanar, Toni n’insista pas. Il préféra se réfugier dans la banalité de circonstance.

- Ben oui, Prof, je vous comprends, mais c’est tout le temps comme ça ; les délais sont jamais tenus.
Tenez, vous qui connaissez bien votre Histoire de France, je n’ai pas besoin de vous rappeler le canal de Suez ...

- Le Canal ? Oui, bien sûr : commencé en 1859, ouvert à la navigation en 1869. C’est long !

- Et Panama, hein, Panama ! Un projet de 1880 terminé laborieusement en 1914. Et encore, sans la dynamite, serait peut-être même pas fini aujourd’hui ! La réparation de votre 4 pattes, elle va quand même pas prendre aussi longtemps. Enfin, je l’espère pour vous !

Le professeur Nanar ne put retenir un petit sourire dont l’érudition de Toni en ce qui concerne « l’Histoire de France » était en partie la cause, mais surtout parce qu’il venait trouver motif à contredire son ami facétieux :
- Non, mon cher Toni, ce n’est pas une fatalité : les délais peuvent être tenus. Et même au-delà. Et je peux te le prouver. La preuve est devant toi. Ouvre les yeux !

Toni avait beau ouvrir des yeux comme des soucoupes ...

- Oculos habet et non videt1, comme on disait dans le camp romain de Pontarcher.

- Si tu te tenais au courant, tu saurais que les travaux prévus dans la grand’ rue étaient censés se terminer vers le 30 juin. Or ils sont quasiment terminés au jour que nous sommes. Un exploit ?

- Je ne vois toujours pas ! dit Toni.

- Non, ce n’est pas un exploit, c’est une ... surestimation. Du coup, la brocante prévue le 24 par l’ARLLE ne pouvait pas avoir lieu. Celle-ci annulée, plus besoin de travaux ! CQFD.

Toni réfléchit un moment. Une lueur passa dans son regard.

- Ben oui, mais la rue était ouverte du vendredi soir au lundi matin, ça change quoi pour la brocante ?

- Mon petit Toni, tu as été brillant jusqu’à présent, mais là, tu gâches tes cartes : je te sais imbattable question ciment et fil à plomb ; côté « Histoire de France », tu es une pointure. Mais laisse-moi te dire que pour l’histoire de la commune, tu as encore des progrès à faire.

- Allez, bonsoir chez toi. Mes amitiés à Maria !

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1 – Il a des yeux et ne voit pas.


3 commentaires:

  1. D'aucuns diraient "c'est de bonne guerre !"...
    Guerre picrocoline. En attendant le grand chantier de la Trésorerie n'avance pas.

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  2. Demande déposée en décembre 2011, pièces supplémentaires réclamées par la mairie fournies en temps utile et, comme par hasard, on nous a prévenus au dernier moment que des travaux providentiels empêcheraient l'organisation de la brocante le 24 juin.
    Tout le monde aura compris la maneuvre
    C'est cousu de fil blanc.

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  3. Ne pas se fier à l'eau qui dort !

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