Passant par là, Nanar aperçut, dangereusement assis sur
une pile de parpaings récemment livrés, un Toni visiblement affamé, une mousse
à la main, mordant à belles dents dans un énorme sandwich, carburant
indispensable à une profession qui demande plus de calories que la recherche de
pensées foireuses sur dico citations...
Négligeant les entrées en matière du genre météo- comment
que tu vas, tu sais pas ce qui m’amène et patin et couffin- , le professeur
Nanar entra d’autorité dans le vif du sujet !
« Mon petit Toni, tu sais quoi : tu sens
le pâté ! »
Interloqué par cette attaque surprise incongrue, Toni
commença par déglutir bruyamment, puis se jeta dans le gosier une large lampée
de bière blonde, s’essuya calmement les charmeuses de la manche de sa veste, puis
enfin déclara calmement :
- Mon cher Professeur, je suis au regret de
déclarer votre sens de l’odorat en pleine déconfiture : mon en-cas, c’est
un jambon-beurre. Désolé !
- Oui,
bien sûr, je te crois, mon petit Toni. Mais de source officielle, il apparaît que
tu sens le pâté ... Comme moi, comme tous ceux qui font partie de l’ARLLE, tu
sens le pâté !
Imaginez l’ahurissement du pauvre Toni, bien incapable
d’établir un lien entre une association sans la moindre odeur politique et des
effluves répulsifs de cochonnailles !
« Patience, » reprit le
professeur Nanar ; « je t’explique.
Tu sais que je suis, comme toi d’ailleurs,
persona non grata- indésirable si tu préfères – dans tout ce qui dépend de la
grande maison ;
·
que les réunions du conseil
municipal nous sont dissimulées
par tous les artifices imaginables ;
·
que les documents administratifs de la mairie nous sont
pratiquement interdits, voire
... « reconditionnés » ;
·
que si d’aventure, tu avais l’intention de vendre chez toi, dans ton
garage, dans ton jardin, quelques bébelles, la trottinette du petit, le
presse-purée de Maria, la cage du serin, que sais-je, l’autorisation te serait
refusée. Moi, j’ai tenté le coup : réponse :
NIET ! Streng verboten ! Circulez ou j’appelle la
police ! Non mais, sans blague ! Arghhhh !
Et la meilleure : il paraît que le forum des associations, prévu le
1°septembre 2012 ne saurait nous concerner ; les jeunes ne se soucient ni
de la préservation de l’environnement, ni de l’écologie, ni de l’urbanisation
galopante de leur commune, encore moins des effets désastreux de l’exploitation
des gaz de schiste. Juste le sport, le sport, et le sport ... (dixit Patricia Lucot)
Et c’est là que j’ai compris pourquoi on nous écarte régulièrement :
c’est juste qu’on sent le pâté !
Elémentaire ! »