samedi 22 décembre 2012

Toni croit encore au père Noël













« À ta place, mon petit Toni, je ne ferais pas ça ! », disait Nanar ...



Ils avaient un peu fêté le 21 décembre1. Une prédiction qui fait froid dans le dos leur avait donné un bon prétexte pour sortir du cellier une dernière fillette de muscadet poussiéreuse.



La bouteille était bien entamée quand Toni avait commencé à délirer grave !



« Tu vois, Professeur, quand le bâtiment va, tout va, comme on dit chez nous ! » Et de se lancer dans une justification hasardeuse de son enthousiasme :

«  O.K. Je pointe au chômdu, Maria ne trouve aucun emploi, on se régale de nouilles à tous les repas. O.K monsieur le professeur ! Mais moi, je te le dis : tout ça, ça va changer, et pas plus tard que dans pas longtemps ... »



Ne connaissant aucun cas d’aliénation mentale dans la famille de ce brave garçon, le professeur Nanar attendait une explication plausible à son euphorie.



La fillette ?



37,5 cl et même pas vide ...



Il lui fallait patienter.



« Oui, je suis au chômage ! Mais du boulot, Môssieur, va y en avoir tellement qu’il va falloir embaucher. Et pas qu’un peu, je te le dis ! Et moi, tu vois, ça m’étonnerait pas qu’on me reprenne comme chef d’équipe. Et pas au smic comme avant. Quand le bâtiment va, comme je disais ... »



« Chef de chantier, même ! » coupa Nanar pour abonder dans son sens. « Et pourquoi pas patron ? Si le bâtiment va, tu as toutes tes chances !  ... »



Et tétant la bouteille direct au goulot, Toni ne trouvait pas la chose impossible !

« Vous n’ignorez pas, Professeur que notre commune vient d’entrer dans une ère nouvelle ; comme qui dirait un grand Reich de 2 000 habitants. On aura des écoles, des centaines d’apprenants, un collège, un centre hospitalier, le parking est déjà prévu. Il faudra loger les vieux, les sans abri, prévoir un refuge pour les chiens abandonnés, un bâtiment pour les P.V, un centre de détention, un super marché... L’emplacement de la zone industrielle est déjà décidé... »



Plus il parlait, plus il s’échauffait ; il se mettait en voix.

« L’argent va couler à flot. La moindre parcelle deviendra pavillon, la vilaine dent creuse sera plombée ... »



« Bétonnée », rectifia le Professeur Nanar.



« Oui, c’est ce que je disais », admit Toni. « L’écoquartier sera le modèle du genre humain et on le réalisera à la campagne vu qu’à la ville, y a pas la place et comme ça, ben  ... »



Toni commençait à s’embrouiller. Il liquida le fond de la bouteille pour y retrouver l’inspiration chancelante.

« Alors, Prof, je bazarde la bleue. Finie, la meule. Je rachète une Vespa comme celle qu’on avait quand j’ai marié la Maria. Pis je lui achète un nouveau frigo à Maria, un américain pour la bière ... Pis une friteuse sans odeur... Pis on change les robinets, on refait la peinture des volets ... On se paie des vacances ... »



Perdu dans son rêve, Toni avait enfin découvert une nouvelle religion : le béton, le bâti, le bitume ...



Et le professeur Nanar s’esquiva discrètement. Il ne pouvait pas le faire dessoûler en lui faisant valoir que nos rêves les plus fous sont portés par la totale ignorance de ce qui nous attend.

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1 - Les prédictions pour décembre 2012 sont un phénomène sociologique basé sur plusieurs croyances annonçant de grands changements ou des événements cataclysmiques pour le 21 décembre 2012. À l'origine, cette date marque la fin des 5 125 années d'un cycle du compte long du calendrier Maya, interprétée par certains comme la fin définitive de ce calendrier.

1 commentaire:

  1. il a raison Tony, du boulot il va y en avoir ! Après avoir installé le parcours de santé (sans T et sans Usagers d'ailleurs), des ouvriers vont pouvoir maintenant le désinstaller.
    Faire et défaire, c'est toujours travailler..

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