Toni qui a toujours eu
avec le ballon de Muscadet un rapport difficile devenait de moins en moins
euphorique. Certains deviennent gais. Lui, ça le rend sombre, amer. Lucide, en
somme ...
In vino, veritas ...
« Qu’est-ce qu’y en a comme malfaisants »,
finit-il par grommeler.
Le visage ahuri du
professeur Nanar l’incita à éclairer tant soit peu cette remarque d’une
banalité affligeante. Au lieu de s’égarer dans les longs préliminaires
habituels, il vida son sac :
- Ben oui, Prof, c’est encore mon voisin Monsieur
Leroy ; il dit comme ça tout partout que je l’ai traité de c...
- Et ?
- Ben, non, pas du tout. Je causais des c.... en général.
Il a pris ça pour lui.
- « Qui
se sent morveux ... »
Toni ne releva pas.
- En réalité, il est furax depuis que j’ai refusé de
lui céder un morceau de mon terrain. Il disait que j’avais pas besoin de tout
ça ... que lui, il en avait besoin pour mettre sa bagnole à l’abri, que j’étais
un égoïste ... et patin et couffin. Et finalement, c’est bien lui qui a déclaré
que j’étais un sale c...
- Mouais, dit Nanar, grossier, mal embouché, et pas très
inspiré ; c’est un peu court !
Il resta silencieux un
moment, comme perdu dans ses pensées ...
Puis il sortit de sa
rêverie.
- Sais-tu,
Toni, dit-il, qu’il
aurait été amusant de développer un peu la chose en somme.
Par exemple,
parodiant Audiard : « si la connerie se mesurait, tu serais le mètre
étalon »
Populaire
mais excessif : « plus con, tu meurs ! »
Admiratif :
« toi, t’es pas la moitié d’un con ! »
Insinuant :
« Celui que te prend pour un con, c’est qu’il te connaît ! »
Dubitatif :
« Pour être con à ce point, faut avoir suivi des cours ! »
Emphatique :
« Dans la grande armée des cons, tu serais au moins général ! »
Attristé :
« On n’a pas le droit d’être aussi con. C’est illégal ! »
Présidentiel :
« Ben alors, casse-toi, pauv’ con ! »
Empruntant à
Raimond Dronne son slogan peint sur sa Jeep : « Mort aux
cons ! » qui fit dire au Général : « Vaste
programme !».
Mais si tu m’en
crois, Toni, le plus difficile est encore de se bien connaître et tel qui prend
le voisin pour un c... devrait s’inspirer d’une épitaphe exposée à la vue de
chacun et qui dit en substance que pour savoir qu’on est c..., faudrait pas
l’être !
« Vaste
programme » !
Et encore
distinguer les différentes catégories de cons comme le fit si bien entendre Georges
Brassens : y a les braves et y a les teigneux.
Les premiers
s’amusent, ils nous font rire ; les seconds prennent leur pied en nous
pourrissant l’existence.