dimanche 2 février 2014

Le paradoxe de Nanar







Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiroient un coche.

La Fontaine – Le Coche et la Mouche




Il avait eu une mauvaise journée ; réveillé en retard, parti en retard, retardé par un départ à froid laborieux, - une bougie march'mal comme il disait - bloqué deux fois de suite dans une rue montante, étroite, malaisée, par un bus pratiquement vide et des voitures roulant sur un embryon de trottoir, il était arrivé sur le chantier en retard.
Evidemment !
Le petit chefaillon l’avait reçu avec un vanne destiné autant à l’équipe qu’à l’intéressé : « Tiens ! V’là l’ Ressonnais dynamique ! Presse-toi surtout pas l’ancien ! »
Faire rigoler sans risque, c’est le petit plaisir offert par la casquette de chef, comme d'habitude...
Toni ne pouvait pas se permettre de perdre son boulot...
« Une journée de maçon..., Prof ! » grogna-t -il en avalant son blanc gommé1. « Une journée de m..., oui ! »

« Et ça veut dire quoi « dynamique » ? C’est parce qu’on a des panneaux en pagaille, des lavoirs en série, des radars qui nous disent qu’y a pas eu de soleil, une borne électrique et un cerisier devant la maison du maire qu’on est dynamique ?. Faudrait-t-y pas aussi mettre le blason sur not’ papier toilette pour rappeler qu’on a presque terminé l’assainissement ?
Dynamique, tu parles ! »
Toni s’emportait, les mots se précipitaient, toute la rancune accumulée dans cette journée de ... maçon remontait au jour avec l’aide traitresse d’un petit ballon de blanc gommé, propre à délier les langues et dont on ne se méfie jamais assez, toute vérité n’étant pas bonne à dire...

Profitant que Toni reprenait son souffle – c’est ainsi que souvent le dialogue peut devenir possible – son ami prit le risque de le contrarier dans sa folie.
« Mon petit Toni, je te concède que les motifs de satisfaction invoqués sont du genre discutable. Mais, nom d’une pipe, réfléchis mieux et tu verras toi-même que l’étiquette « village dynamique » est parfaitement méritée »
Toni avait renoncé à discuter. Morne, le visage fatigué, il semblait absent, résigné à tout entendre ...
« Bien sûr, disait Nanar, que ce village est bougrement dynamique ! Dynamique, comme il ne la jamais été. Et je vais encore te surprendre... »
« C’est grâce à notre maire, qu’il est devenu dynamique ! »
Effondré par cette apparente trahison, ce retournement de veste, ce honteux coup de poignard dans le dos, Toni écœuré se leva pour partir...
« Attends, mon cher Toni, laisse-moi parler.
Dans une commune gérée avec bon sens pendant des lustres , avec l’honnêteté qu’on est en droit d’attendre de la part des élus soucieux de mettre leur compétence au service de chacun, sans choix partisan, refusant les opérations de prestige et les projets personnels au profit d’une gestion raisonnée et équitable de la commune, les habitants s’étaient reposés sur leurs conseillers et sur leur premier magistrat, n’ayant rien à craindre de leurs décisions.
Ils n’avaient tout bonnement qu’à se laisser dorloter !
Mais, tout a changé avec le dernière municipalité : ayant sans réserve usé et abusé du droit que concède la fonction de passer outre aux traditions en usage dans notre commune (comme heureusement dans la grande majorité des autres communes),et de triturer les textes de loi pour leur faire dire ce qui pourrait être utilisé contre des contradicteurs devenus de plus en plus nombreux au fil des jours, le maire a obligé la communauté à se ressaisir.
Pris pour un veau, l’administré a pris peu à peu conscience de la nécessité de faire entendre sa voix. Face à l’obstruction systématique et confronté de multiples tentatives d’intimidation, il s’est renseigné, il a appris à se défendre avec un matériel imaginé à tort comme hors de portée.
Dynamique, il l’est devenu grâce à Monsieur le maire dont il a su balayer les innombrables plaintes infondées, en gagnant des batailles juridiques, en parlant à l’oreille des médias.
Et je ne compte plus les foyers où Monsieur le maire a fait entrer le progrès informatique !
L’un faisant l’acquisition de l’ordinateur portable dont il ne voyait jusque là aucune utilité sauf à recevoir la blague oubliée depuis la disparition de l’almanach Vermot ; l’autre échangeant son vieux téléphone pour une tablette, le plus jeune échangeant sur Facebook ; le moins ado se laissant séduire pour un mobile « free », le concept free lui laissant entrevoir un fournisseur d’accès à la liberté.
Et l’information circule dans un village dynamique grâce à qui ? » 
« Bien raisonné », dit Maria !  A l’entrée de la porte, elle avait suivi toute la conversation sans intervenir. (Quand l’homme parle, avait dit Audiard ... )
« Et si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas », avait –elle ajouté.
Le professeur Nanar pris de court, ne sut que répondre, mais Toni qui avait repris tous ses esprits regardait Maria avec ravissement :
« C’est entendu, Maria ... Mais ne sors pas le rouleau à pâtisserie. Ce n’est pas le genre de la maison ! »

--------------------------------------------------
1 – Dans le jargon du zinc, le blanc gommé, c’est du vin blanc additionné d’un peu de sirop de sucre.


4 commentaires:

  1. Sûr que les Ressonnais engagés dans la défense de leur village vivent une aventure roborative, on se parle, on distribue des tracts, on rédige des textes rigolos et pleins d'esprit, on dispense de la culture, on devient incollable sur les lois, on rencontre la maréchaussée régulièrement, surfer sur le net en effet ne pose aucun problème, pas besoin d'aller prendre des "cours d'informatique", on rencontre des journalistes, des responsables politiques et on fait de l'information..
    Si vous voulez savoir ce qui se passe à Ressons, lisez ce blog, il complète avec bonheur le site internet de la mairie, en tout cas vous aide à vous retrouver dans le fourre-z'y-tout municipal.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. http://www.youtube.com/watch?v=iebO8wehZ8c

      pour savoir ce qu'est le fourre-z-y-tout !

      (juste pour rire)

      Supprimer
  2. Le dynamisme à Ressonnaise, serait-ce :
    - deux pistes noires de slalom (rues du Routy et du Marais St-Georges),
    - un parcours "santé" fréquenté par les taupes,
    - des monuments qui se baladent,
    - une signalétique obligeant les piétons à quitter les trottoirs,
    - des messages météo à chaque risque d'orage, de coup de vent, de chute de neige, d'élévation de température anormale ...,
    - des conseillers municipaux "petits chiens qui bougent la tête",
    - un hôtel à mouches,
    - un marché mensuel de 3 camelots à la Vache Noire,
    - des travaux, des travaux, des travaux ... ?
    - ...
    Mais quid du 14 juillet, du city stade, des séances de cinéma, de l'achèvement de l'assainissement, ... ?

    RépondreSupprimer