Il y a deux ou trois jours, Marceau rencontre inopinément son ami le professeur Nanar, penché sur le sol, à deux pas d’un bac à fleurs.
Holà, l’ami, vous contemplez une œuvre d’art, ou vous cherchez vos clefs ?
Non, je réfléchissais à cette pauvre femme qui s’est trouvée prise de nausées en passant par ici ; on dit qu’elle a voulu placer ses petits petons dans les marques roses, mais ce n’était ni sa couleur préférée, ni sa pointure ; elle était désappointée !
Oui, c’est vrai ; j’ai lu ça dans la presse officielle(1).
Vous lisez donc la presse de [ censuré ](2) ?
Oh, oh, l’ami, tout doux, disons plus sobrement la rubrique « des chiens écrasés » dans la feuille de chou locale !
Mais reconnaissez que pour éplucher les poireaux, une feuille de chou est toujours très utile, surtout si le grammage du papier est généreux !
Jamais sérieux, Professeur ! Vous ne serez donc jamais adulte ; suivez plutôt l’exemple de ces gamins dont parle cette feuille ... pardon, le bulletin communal ; des petits enfants studieux, habiles dans le dessin, créatifs, calmes, qui ne jouent pas avec des bombes ...
C’est tout à fait vrai : les enfants ont beaucoup à nous apprendre. Maire aussi d’ailleurs. Dommage qu’il se retient ; son défaut, c’est la modestie ...
J’ajouterai aussi l’honnêteté, le goût du dialogue, le respect de l’opinion de ceux qui ne partagent pas ses idées. Eh, oui, il est trop bien pour nous autres, Maire !
Au fait, je vous vois aujourd’hui portant fièrement écharpe et chapeau à large bord. Ne seriez-vous pas en train de vous faire manipuler par un certain parti politique, professeur Nanar ?
Encore une rumeur. Enfin quoi ? Ces gens sans étiquette sont impayables : il ne leur viendrait pas à l’idée que je crains tout bonnement de prendre froid. Et si je portais la chapka ? J’en connais qui porte bien le melon ...
Calmez-vous, professeur, vous vous méprenez : c’était juste pour taquiner. Parlez-moi plutôt de ce que vous retenez de cette « feuille d’informations ».
« Informations » ! Alors, là, je vous retourne le compliment ; vous avez plus que moi l’esprit taquin ; relisez donc :
« L’équipe pédagogique était au grand complet, tout sourire pour accueillir les enfants ... »
« Nos agents ont sillonné notre grande campagne (sic) sans relâche ... et arrosé les fleurs »
« Pensez à ramoner vos cheminées avant de rallumer le feu »
C’est ça que vous appelez de l’information ? Bon, si ça vous suffit ...
Désolé, je ne voulais pas vous mettre la rate au court bouillon. Mais d’habitude, vous êtes intarissable sur le pillage de dico citation ; rien, aujourd’hui ?
Touché ! C’est que j’ai remarqué un léger mieux ; une seule citation et particulièrement bien choisie ; elle nous apprend en substance que :
Si tu n’es pas tué, tu deviens fort ;
Celui qui est tué devient, par extension, moins fort
Si t’es pas tué, tu en réchappes ...
Et ça, ça va faire réfléchir dans les chaumières du canton.
Bon, une petite dernière pour la route : en notant indulgent, vous mettriez combien à ce petit mot de billet ?
Mais le professeur Nanar avait déjà tourné ses pas vers d’autres lieux et son ami n’entendit pas de réponse.
Un voisin affirme dur comme fer qu’il l’a entendu maugréer :
« Ca descend de plus en plus bas ; on frise le zéro ; m’étonnerait pas qu’on descende encore en dessous dans les jours qui viennent. »
Il faisait sûrement allusion à la température.
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(1) Voir page 3 du bulletin municipal de Ressons-le-Long de septembre 2011.
(2) Dérapage verbal tout à fait exceptionnel du Professeur Nanar qui aurait pu nous amener à la gendarmerie pour répondre d’une énième plainte déposée par le directeur de cette honorable publication.